Une année 2014 qui s’annonçait excellente

Si vous alliez voir un professionnel du secteur en janvier 2014, il aurait été particulièrement optimiste pour l’année à venir et il y avait de quoi. L’année 2013 a été exceptionnelle, les ventes ont bondi fortement (+20%) par rapport à 2012. Année elle aussi exceptionnelle en terme de vente.

Tous les voyants étaient au vert, excepté celui de l’approvisionnement en matière première. Matière qui était alors entrain de flambée en janvier 2014 (+15% comparé à 2013) en raison d’une pénurie due à une forte demande en bois énergie du marché et notamment celui des chaufferies/cogénération au bois. Les négociants n’avaient qu’une crainte, tomber en rupture de stock dés le mois d’octobre 2014 suite à l’augmentation constante de la demande et des difficultés à s’approvisionner.

Devant ces excellents chiffres, les professionnels du bois ont alors augmenté leurs stocks pour vendre davantage. Pour information, notre entreprise a été en rupture de stock dés le 15 novembre 2013. Nous avions alors vendu 100 000 stères, un record depuis notre création qui remonte à 1979.


Personnellement, j’étais beaucoup moins enthousiaste et ce pour deux raisons :

La première était que nous avions eu deux années exceptionnelles, suite à une longue période de froid qui s’est étalée de novembre 2012 à avril 2013. Conséquence, une forte augmentation des ventes fin 2012 et pendant toute l’année 2013. Pourtant l’automne/hiver 2013 n’a pas été froid, pluvieux certes, mais pas froid. Contre toute attente, les ventes de bois de chauffage ont explosées.

Jamais nous n’avions vendu autant de bois de chauffage et l’hiver n’y était cette fois pour rien. Les Français se serait-ils mis massivement au chauffage au bois ?
Je ne pense pas. Je pense qu’il s’agit encore d’une conséquence de l’hiver précédent. Nos clients devaient reconstituer leurs stocks et anticipaient un hiver long.

L’hiver n’est jamais arrivé. L’année 2014 a été marquée par un printemps chaud et un hiver incroyablement doux. J’ai eu des clients au téléphone dés le mois de mai 2014, ils m’informaient qu’ils avaient encore plus de la moitié de leur stock. Par conséquent, je savais qu’à défaut d’avoir un automne/hiver 2014 froid, les ventes seraient catastrophiques.

La seconde était que les marges, malgré l’augmentation des ventes, ont une nouvelle fois diminuées. Notre marché est vraiment atypique dans le sens où si vous avez de l’hiver, vous vendez beaucoup mais la demande en matière première est telle que l’année suivante, les prix d’achat augmentent. Vous allez me dire qu’il suffit d’augmenter ses prix, mais le marché parallèle et la pression tarifaire du bois provenant des pays de l’est, empêchent toute augmentation conséquente. N’oublions pas que depuis janvier 2014, nos clients subissaient déjà une hausse de trois points de TVA. Augmenter nos marges n’était donc pas raisonnable.
Autre cas de figure, si vous n’avez pas d’hiver, vous rester avec votre stock sur les bras et devez donc baisser vos marges pour l’évacuer. Dans les deux cas, il est difficile de se projeter ne serait-ce qu’à moyen terme. La prise de décision se fait donc au jour le jour.

Ces prévisions optimistes début 2013, l’étaient beaucoup trop. Les ventes sont en reculs de 20% sur l’année 2014 par rapport à 2013. C’est à partir du mois de septembre 2014 que la chute a été spectaculaire. Nous avons enregistré des chutes de 50% sur certains mois.

Vous l’aurez compris, l’année 2014 est très mauvaise pour la filière et l’avenir est incertain.


Mes prévisions pour l’année 2015

Notre activité est météo-dépendante ça n’est un secret pour personne. S’il fait froid, nous vendons. S’il fait chaud, nous gardons notre marchandise. Comparé à d’autres activités, nous avons une difficulté supplémentaire. C’est que pour que le bois brûle, il doit être sec et pour avoir du bois sec, il faut le stocker durant plusieurs mois, si possible à l’abri de la pluie. C’est bien là que se situe notre problème.
Si nous augmentons notre stock, nous prenons le risque de ne pas le vendre. Si nous sommes prudents, nous prenons le risque de louper des ventes.

En 2015, nos clients achèterons davantage leur bois à la dernière minute, c’est à dire quelques jours avant de le brûler. Cette tendance n’est pas nouvelle et va continuer de s’accélérer. Le bois étant rentré dans la grande distribution depuis une dizaine d’année, les clients sont rassurés par le fait de pouvoir en trouver quant ils en ont besoin.
Ce changement d’habitude (normalement le bois s’achète d’avance) va entrainer une saisonnalité encore plus forte et nous obliger à augmenter nos stocks pour vendre sur une période très réduite. Avoir de la trésorerie sera donc essentiel en 2015.

En 2015, nous assisterons à une croissance modérée (+ 10%) du marché comparé à 2014. Difficile de prévoir une croissance ou une contraction du marché tant la météo a une forte influence sur l’une ou l’autre. Cependant, sauf météo exceptionnelle, nous devrions être sur des ventes identiques à 2014. Si croissance il y a, elle sera modérée, car je pense qu’elle ne viendra qu’en fin d’année avec pourquoi pas, un automne « normal », c’est à dire un peu plus froid que celui de 2014. Entrainant une hausse des ventes.

En 2015, nous assisterons à une baisse des prix de la matière première. La demande étant moins forte en 2014 et partant du postulat que le marché stagnera en 2015 jusqu’à l’automne, le prix de la matière première devrait inévitablement baisser de l’ordre de 5 à 10% selon les fournisseurs. Nous aurons confirmation de cette baisse au printemps 2015. Je suis quasi convaincu qu’elle aura lieu.

En 2015, nous assisterons à une baisse des prix du stère. Ne vous réjouissez pas trop, la baisse sera modérée et dépendra beaucoup de la baisse de la matière. Les marges sont au plus bas et devraient continuer à baisser en 2015. Pour autant, étant déjà basses, la diminution de ce côté sera faible. Je m’attends à une diminution des prix surtout en raison de la baisse du prix du pétrole. Le coût du transport va baisser en 2015 et le prix du bois, fortement impacté par celui-ci, suivra la tendance.


Conclusion

L’année 2014 est à oublier, mais n’oublions pas de tirer les conclusions qui s’imposent. Le marché du bois de chauffage est fragile et il est nécessaire d’avancer prudemment en prenant le moins de risque possible. Notamment en gelant l’ensemble des investissements jusqu’à nouvel ordre. La concurrence est totalement déloyale, qu’elle vienne du marché parallèle ou des pays de l’est, ce qui empêche les entreprises Françaises de se développer.

Au final, l’année 2015 sera bénéfique au consommateur, ce sera le grand gagnant puisque les tarifs devraient baisser de l’ordre de 5%. Bien-sûr il ne s’agit là que de prévisions.